Ariane Burgelin : “j’aime ce qui est absurde”
C’est un univers envoûtant que nous propose l’artiste Ariane Burgelin. Jeune illustratrice, elle déploie un imaginaire poétique et onirique nous invitant dans un voyage cosmique où le dessin et la psyché règnent en maître.
Comment as-tu développé ton style d’illustration ?
C’est une question assez compliquée, je pense que l’influence de mes professeurs d’illustration m’a beaucoup aidée, surtout en licence. Quand on est débutant on a envie de tester plein de choses sans savoir vraiment qui on est, c’est comme si on avait dix reflets dans une glace, sans arriver à choisir lequel nous convient le mieux. Mes profs m’ont aidé à me regarder et à me comprendre. Il y a évidemment aussi mon travail personnel et mes influences comme David Rappeneau dont les jeux de perspective et de décor m’ont pas mal inspiré, même si j’avais déjà tendance à faire des personnages “mous”. J’aime cette légèreté du corps qu’on peut créer par l’illustration. Il faut toujours que je me réapproprie ce que j’ai en face de moi.
Tes derniers travaux sont bercés par un univers cosmique, ponctués de petites histoires, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Il y a un an j’ai fait mon projet de mémoire de master sur l’ESA (l’Agence Spatiale Européenne), ça m’a poussé à m’intéresser au cosmos et à l’aérospatiale. Je voulais aussi me trouver une identité pour Instagram et en y réfléchissant j’ai repensé au mythe d’Ariane. J’aime donner de la symbolique à des liens qui me sont propres et avoir le prénom d’une tapisseuse mythologique, ça avait du sens pour moi étant donné que la tapisserie est l’ancêtre de la bande dessinée.
À partir de ça, j’ai fait une histoire rétro-futuriste dont le décor est un mélange entre mythologie grecque et cosmique et où il y a un rapport au temps assez particulier vu que ça se passe à la fois dans le passé et dans le futur. Ce sont des histoires qui m’arrivent plus ou moins et que je détourne pour les recréer à partir de ce personnage là, comme une sorte de double personnalité. Je fais en quelque sorte ma psychanalyse à travers le dessin.
Ces derniers temps je commence à me pencher sur la sorcellerie et c’est passionnant, je pense que mes prochaines séries seront probablement autour de la nuit.
Dans tes illustrations tu parles beaucoup du contrôle de soi mais aussi du lâcher-prise, pourquoi ces thèmes ?
Il y a un côté psychanalyse dans ce que je fais à travers mes illustrations, j’aime symboliser des idées, parfois j’ai l’impression d’y remettre des concepts philosophiques et psychologiques. Je parle du lâcher-prise et de la confiance en soi parce que c’est aussi une manière de déverrouiller le processus créatif.
J’étais très bridée plus jeune car je voulais me conformer à une normalité imposée, ça me prenait beaucoup d’énergie de me canaliser pour être comme les autres, alors qu’au final, nous sommes tous excentriques dans notre façon d’être. Le fait d’enfin déverrouiller ça, m’a permis de reprendre le pas sur moi même, il m’arrive souvent d’en apprendre sur ma psyché quand je crée.
Tes dessins sont souvent très colorés (camaïeux, couleurs complémentaires), pourquoi choisir cette esthétique ?
Les couleurs que j’utilise sont très liées à mon état d’esprit du moment. J’aime beaucoup le rose et le bleu qui sont je pense, mes grandes couleurs, elles amènent une certaine douceur que j’aime bien.
Le cosmique est venu au même moment que le besoin de m’affirmer intellectuellement, une sorte de passage à l’âge adulte à travers l’illustration. J’avais besoin d’extérioriser une colère en moi et je trouvais que le violet dégageait cette violence. C’était aussi une période d’expérimentation, j’avais besoin de casser certaines choses et le violet amenait un petit côté « weirdo » dans ce que je faisais.
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
J’aime beaucoup le travail de Lisa Boostani, une performeuse vidéo qui bosse avec le Centre Pompidou en ce moment. Elle m’a inspiré à assumer mon absurdité et à ne pas toujours être en recherche de l’approbation et de la compréhension de mon public.
Je pense que ce n’est pas toujours une obligation de comprendre le travail d’un artiste pour que ça te touche, ou pour laisser ton intellect se projeter devant une oeuvre. Ça m’a pas mal débloqué de voir les choses comme ça. Après comme je le disais, il y a David Rappeneau qui m’inspire dans son travail de proportion. Et en BD, j’aime beaucoup Lisa Mandel. Elle arrive à établir des situations assez normales et à y amener de l’absurde, ça m’inspire dans le travail que je fais en story. De manière générale j’aime ce qui est absurde.
Quels sont les futurs projets que tu aimerais réaliser ?
Je suis en train de bosser sur ma première BD que j’ai commencé à écrire il y a deux ans. Ça parle de la rencontre d’un mec, Robin, avec Death, un squelette revenu se venger d’une histoire passée dans un hôpital psychiatrique des années 30’.
Je voulais traiter un sujet qui me tient à cœur : la condition des femmes homosexuelles internées à cette période là. Je voulais aussi aborder les problématiques de la folie en questionnant la différence. En général, la psychologie et la psychanalyse sont des sujets qui reviennent souvent dans mon travail. Ça peut paraître glauque comme ça, mais je compte le tourner avec humour.
Cette bande dessinée me permet aussi de retranscrire mes questionnements autour de la créativité à travers Robin, le personnage principal qui est musicien. J’aime la figure de l’artiste, il est souvent caricaturiste malgré lui et traduit de manière exagérée ce qu’il vit pour que ça résonne plus fort chez les gens.
Vous pouvez retrouver les créations d’Ariane Burgelin sur sa page Instagram ainsi que sur son site internet.
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